SIGNER ICI, Un reportage de Peter Liechti, TSR/CD 1997
«Signer ici» («Signers Koffer» est le titre original de
ce film), ce sont les jubilations d'un artiste conceptuel lâché dans
la Suisse la plus profonde comme aux confins de l'Islande, en passant par les
exdémocraties populaires et le Stromboli. Roman Signer, le héros
de «Signer ici», n'aime les «installations» que très
provisoires, livrées aux prévisions et aléas du feu (il fait
une consommation ahurissante de fusées et explosifs) et de l'eau, mêlant
souvent l'un et l'autre, faisant flotter et dériver une table posée
sur quatre bidons vides avant une ébouriffante mise à feu, transformant
les fenêtres d'un ancien hôtel de station balnéaire désuète
en autant de rompes de lancement pour des chaises.
Un provocateur, Roman Signer? Même pas, et plutôt une sorte de poètephilosophe
qui a décidé de se frotter avec le monde, celui des origines, fait
de pierre et de feu (et il s'agit alors pour lui de décorer fugacement
le Stromboli avec des rubeaux rouges), d'eau et de vent (et une prise de son fortement
amplifiée répercute sur tout un rivage islandais les ronflements
du campeur solitaire Signer). Mais le monde des hommes ne laisse jamais notre
artiste indifférent. Avant de signer quelques expériences pyrotechniques
et insolites sur des sites industriels sinistrés de l'exRDA, il capte la
confiance d'anciens ouvriers devenus chômeurs mal indemnisés et,
en quelques mots rudes sur ces a saligauds qui ne pensent plus qu'à faire
de l'argent », ses interlocuteurs exorcisent et expient à leur manière
ces années d'avant 1989 où chacun recevait un salaire, " même
s'il ne travaillait pas «. La caméra dirigée par Peter Liechti
se montre alors autant incisive qu'elle pouvait se faire rêveuse lors d'un
événement créé par Roman Signer en pleine nature,
histoire d'imiter celleci ou de lui rendre hommage. «Signer ici»,
c'est du cinéma vérité sur un artiste de la sincérité.
«Admettons que je sois invité à réaliser quelque chose
dans un musée…
Alors, vue que la plupart des musées sont ennuyeux, je dormirais tout simplement
dans le musée. Je n'y passerais donc que la nuit, enfermé à
double tour par les vigiles de la Securitas et leurs chiens de loup. Au-dessus
de mon lit seraint installés un micro et un amplificateur, et dehors, devant
le musee. d'immenses hautparleurs. Tandis qu'à l'intérieur je dors
et je ronfle, en ville sur la place du musée, de terribles ronflements
se font entendre. Durant la journée il y a juste mon lit vide dans la salle.
Je reviendrais le soir j'y dormirais, et ainsi de suite, durant tote la durée
de l'exposition.» Roman Signer
«J'ai déja travaillé pendant des semaines, sans aucun résultat.
Ca m'est égal. J'aime les essais, et tout tentative porte en elle la possibilité
d'un échec. Quelle liberté extraordinaire! La nature se manifeste
aussi dans l'échec: elle l'a voulu ainsi…» Roman Signer